Il fait beau, sur la route du bord de mer, le vent glisse et siffle contre le bas de la carrosserie du scooter. L’air est frais, le soleil radieux, au milieu du ciel bleu d’azur. 
Lentement, le goudron laisse la place à des cailloux ou plutôt à des galets que la mer depuis des milliers d’années malaxe dans les vagues. Fatigués, épuisés, ils s’échouent pour finir au bord des plages ou dans les mains des enfants enchantés de détenir un si beau butin. Un trésor qu’ils remettront à leurs parents, les gardiens de leur grotte d’Ali Baba.

 C’est, à présent, un revêtement moins pratique pour rouler en deux roues car difficile à anticiper la configuration avec tous ces creux, ces bosses.
Un galet à droite, un galet à gauche, tous deux, évités de justesse, ouf. Mais que fait ce galet en plein milieu du pneu avant ?
Le scooter déséquilibré, semble se croire malin de faire du rodéo comme un jeune cheval fou, sans se soucier de ma personne. Je suis soudain éjecté en m’étalant plus loin sur le côté gauche au bord du chemin côtier.
Seul, le scooter déstabilisé zigzague encore quelques secondes puis chute un peu plus loin.

Quelle n'est pas ma surprise d’entendre une petite voix venant de sa direction, je n’ai vu personne, pourtant j’ai toujours le casque donc apparemment pas de traumatisme crânien, bien que..., bien que ...(comme aurait dit Raymond DEVOS).

 
LUI - Je vois bien que depuis quelque temps, tu me conduis bizarrement : en haut d’une côte tu ralentis, dans un tunnel tu  traînes comme la tortue ; je ne te dis pas la tension que tu mets dans mes câbles de freins.

Moi – Voici que tu me parles maintenant, tout compte fait je dois avoir reçu un coup sur la tête sans trop m’en rendre compte car voici que je lui réponds : et alors j'ai bien le droit d'évaluer le risque, surtout que tu n'es pas de première jeunesse toi non plus. Combien de fois France s'est-elle plainte du manque de douceur de tes amortisseurs ?

LUI - Tiens, ce chemin de bord de mer, tu n’as même pas vu qu'à droite la route est plus plate et te voilà à rouler, voler par-dessus des galets. Je veux bien faire mon possible pour tenir l'équilibre mais quand j'ai un pneu au-dessus d’un gros caillou je suis désorienté et la loi de la pesanteur s'applique aussi à moi.

MOI - C'est vrai que depuis quelque temps je perds un peu la notion de la distance des obstacles je n'ai plus la même assurance.

LUI - J'ai toujours préféré ne rien dire pour ne pas te vexer car j’avoue que tu prends soin de moi bien que je dorme dans la rue. Tu ne te rends pas compte de tout ce qui se passe quand tu t’enfermes le soir chez toi, entre les rats, les goélands qui fouillent les poubelles, les jeunes désœuvrés qui font les fous et les bagarres entre sans-abris.
Moi – Les contestations, maintenant, tu veux peut être dormir dans le jardin ? Dans ton parking pour 2 roues, tu es entouré des mêmes copains, à peu près au même endroit, tu dois être content.

 LUI – Bon alors on discute, on discute. il faudrait peut-être que tu te relèves, tu ne crois pas ?

Nous faisons un peu désordre là en travers de ce chemin ;  toi à ma gauche allongé le pied bizarrement tordu ; avec ton casque et tes gants, on dirait un cosmonaute tombé du ciel !

 MOI – Effectivement, je suis allongé, je tente d’évaluer les dégâts. J’essaie de bouger, de ramper, je vais trouver une solution.

T’inquiètes pas, je vais nous relever et repartir surtout que j'ai une réunion importante à quatorze heures et je te dis pas la tête que fera France si elle me voit comme ça !

 LUI - À ta place je lui téléphonerai. Regarde une voiture se dirige vers nous, elle s’approche. Le conducteur descend et vient vers toi.

 MOI - Je ne comprends pas tout ce qu’il dit sinon le mot ambulance. Il téléphone.

 LUI – Regardes, dernière toi arrive un homme, il semble parler le français tu devrais voir avec lui.

 MOI - Merci, je veux bien de votre aide. Je n'arrive pas à me relever. L’ambulance a été prévenue. Pouvez-vous me donner mes papiers qui sont dans le scooter et ranger dedans mon  casque et mes gants ?

 LUI – Je déteste qu'un inconnu me tripote. Pas très délicat le mec, encore un chauffard qui aime pas trop les deux roues !

 MOI – J’abuse mais pouvez-vous relever le scooter et l’appuyer contre le mur. Il sera plus facilement repérable. Merci beaucoup.

 LUI – Et voilà, maintenant, il se croit tout permis. Tu es sûr qu’il sait la différence entre l’avant et l’arrière. Tu n’as qu’à lui laisser les clés pendant que tu y es. Tu ne le connais même pas.

 MOI – Oui, c’est vrai. J’entends l’ambulance qui arrive. Je vous remercie beaucoup pour votre aide.

 LUI – Courage. Je te remercie de m'avoir fait mettre le long de ce mur debout je serai un peu trop repérable non !

 MOI - Je pense que ce ne sera pas très long. Ce doit être un simple déplacement de la prothèse de hanche. Aller à bientôt pour d'autres ballades.

Michel , le 12 juin 2024

LUI et MOI